Depuis un petit bout de temps, nous nous demandions d'où le coup allait venir et surtout combien de temps nous résisterions. Déjà, en Suisse, lors du contre sommet anti OMC, nous nous étions un peu fritté avec le service d'ordre du PS venu escorter François Hollande qui avait dû repartir avant de pouvoir faire semblant d'être des nôtres. Et c'est finalement de l'extrême gauche que vient cette nouvelle attaque. Vous l'aurez deviné, l'ennemie, c'est la récupération politique.
Mais ça ne se passera pas comme ça et nous ne nous laisserons pas faire :
nous, alter mondialistes, tenons à garder notre indépendance. De toute façon, nous sommes trop divers dans nos opinions et dans nos origines pour pouvoir être mis dans un sac. En particulier,
nous ne sommes pas l'extrême gauche. Bon, l'extrême gauche n'est sans doute pour rien dans cette récupération. C'est plus probablement les journalistes qui n'ont rien compris. Et comme ils n'ont pratiquement que les dépêches officielles de l'AFP comme source d'information, que le gouvernement contrôle l'AFP et que les alter mondialistes commencent à gagner en nombre et en notoriété (manif non violentes sans casse, nettoyage des terrains que nous occupons), on peut se demander s'il n'y a pas là une tentative du gouvernement pour diaboliser le mouvement. Bêtises des journalistes ou magouille du gouvernement ? Je ne sais pas. Ma seule certitude, et je le recrie, c'est que
Les alter mondialistes ne sont pas l'extrême gauche
Bien sur, nous avons pas mal de copains dans la LCR et dans les autres mouvements d'extrême gauche. Mieux, l'extrême gauche participe activement aux rencontres et actions des alter mondialistes. Nous partageons un certain nombre d'idées et de valeurs avec eux. Mais l'extrême gauche n'exclut pas d'utiliser des moyens radicaux pour arriver à ses fins, alors que les alter mondialistes sont plutôt pacifiques.
Qui sont les alter mondialistes ?
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Mauvaise question. Les alter mondialistes viennent d'horizons extrêmement divers. Politiquement, on trouve des gens aussi bien d'extrême gauche que de gauche, du centre et même du PS (je reviendrai sur cette importante distinction). On trouve aussi des écolos, des informaticiens qui se battent pour le logiciel libre, des fumeurs de substances illégales, des syndiqués, des membres d'ATTAC, la confédération paysanne et beaucoup d'autres personnes. En bref, on trouve tous ceux qui ne sont pas contents de l'évolution actuelle du monde. Et vu que le monde sombre franchement dans un ultra libéralisme très à droite, c'est vrai qu'on retrouve pas mal de gens de gauche. Pas seulement extrême gauche. Beaucoup sont juste à gauche. La vraie gauche... Alors pourquoi nous assimile-t-on avec l'extrême gauche ? C'est tout simple. Parce que nous sommes à gauche du PS. Or, à gauche du PS, il y a beaucoup beaucoup de place. Tout simplement parce que le PS n'est plus à gauche... Triste mais vrai. D'ailleurs, je le redis tellement c'est important :
Le PS n'est plus à gauche...
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L'a-t-il jamais été ? Je n'ai pas assez d'éléments pour trancher. Toujours est-il que le PS aujourd'hui n'est plus un parti de gauche. Oui, je sais, tout le monde le croit, eux-mêmes le clament et certains militants en sont convaincus. Mais au-delà des beaux discours et des pieuses intentions, examinons les faits : le PS est LE parti qui a signé les accords de l'OMC (OMC : Organisation Mondiale du Commerce, organisme international sans aucune légitimité démocratique qui vise à imposer l'ultra libéralisme partout dans le monde). Le PS est aussi le parti qui a nationalisé France Télécom. C'est ça la gauche ? Non, ça c'est une politique économique de droite. Je ne dis pas qu'ils n'ont pas fait dans le social, mais ça ne suffit quand même pas pour en faire un parti de gauche. Bien sûr, ils en ont honte, alors ils se cachent derrière une sorte de fatalisme : "On ne peut pas faire autrement ! C'est l'Europe, c'est la mondialisation... On voudrait bien, mais ça n'est plus possible. C'est pas no't faute !" Reste que fort de cette impossibilité, ils appliquent une politique de droite. Selon eux, c'est la plus à gauche possible dans l'état actuel du monde. Peut-être. Reste que leur "plus à gauche possible" est à droite.
Dans ``extrême gauche'', il y a ``extrême''
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Donc, clairement, le PS n'est plus de gauche. D'un autre côté, l'extrême gauche (pas tous mais une partie) parle de révolution armée, de dictature du prolétariat... La dictature et les armes, c'est pas trop le truc d'un bon nombre d'alter mondialistes. Donc exit PS, exit extrême gauche. Que reste-t-il pour les gens profondément et sincèrement de gauche, mais refusant les extrêmes et le centre droite ? Rien. Nous ne nous retrouvons nulle part. Et pourtant nous sommes très nombreux. Peut-être même êtes vous de gauche sans le savoir...
C'est quoi ``être à gauche'' ?
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Etre à gauche, c'est vouloir une politique centrée sur l'homme et sur le social. Nous refusons une politique basée sur une économie ultra libéraliste et sur la concurrence sauvage. La droite pense que si chacun augmente individuellement son petit bonheur, alors l'ensemble de la société se portera mieux. Les ultra libéraux appliquent ce modèle à l'argent. Nous ne sommes pas d'accord, ni avec le modèle de base, ni avec la place démesurée et prépondérante accordée à l'argent. Nous pensons que l'argent n'est pas tout dans la vie. En particulier, une civilisation ne devrait pas, sous prétexte de faire plus de pognon, laisser des être humains écraser d'autres humains (ou les laisser crever, ce qui revient un peu au même). Ca a l'air d'être vachement théorique, mais c'est très concret. Par exemple, aller butter des Irakiens pour payer leur pétrole moins cher, c'est mal. Licencier 2000 Européens pour reconstruire la même usine dans le tiers monde et exploiter des humains miséreux, ça n'est pas non plus très brillant. Entretenir les régimes dictatoriaux en Amérique du sud ou en Afrique, laisser sans aucun contrôle les golden boys jouer avec des milliards comme si s'était des billets de Monopoly (crise Asiatique), interdire la trithérapie générique en Afrique, voilà ce contre quoi nous luttons.
Concrètement, quel modèle de société proposons-nous ?
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Nous pensons qu'un certain nombre de besoins fondamentaux de l'homme doivent être pris en charge par le gouvernement. Par besoins fondamentaux, nous entendons naturellement les besoins vitaux, mais aussi l'accès à l'éducation, aux soins, à la culture également des services comme l'électricité, l'eau, les communications et les transports en commun. En gros, nous, pays riches, sommes assez riches pour assurer un minimum de services (de qualité) à tout le monde. Ce minimum, pensons-nous, n'est pas compatible avec les objectifs de rentabilité à outrance de l'ultra libéralisme. Aux USA, des compagnies privées gèrent l'électricité. Bilan : ils sont fréquemment plongés dans le noir pendant des durées de 24h ou plus (dernier exemple en date : New York cet été. Plus de lumière, plus d'ascenseur, plus de télé...Les pauvres, ils ont dû croire à une nouvelle attaque terroriste) En Angleterre, au moins 7 compagnies privées se partagent la gestion du réseau ferroviaire. Le résultat est catastrophique : les trains sont pouraves et jamais à l'heure. En France, on a beau dire et beau faire, les boites comme la SNCF et l'EDF assurent plutôt un service de qualité.
Ben oui, ça marche plutôt bien. Alors pourquoi se battre ?
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Parce qu'on assiste en ce moment à un glissement généralisé de toute la planète vers l'ultra libéralisme. Un glissement qui a pas mal de chance de devenir historique. Il est important de faire la différence entre les petits problèmes locaux et les grands problèmes mondiaux. En 1789, ils avaient en gros deux problèmes : la famine et la royauté. A l'époque, la famine était un problème énorme... qui n'a eu que très peu d'impact sur le déroulement global de l'histoire de l'humanité. C'est ce que l'on peut appeler un problème local. Chez nous aujourd'hui, les retraites constituent un problème local. Bien sûr, ça nous pose localement un vrai gros problème, mais dans 50 ans ou 100 ans, tout le monde aura oublié. Par contre, si l'OMC réussit à forcer les gouvernements à tout privatiser, pire, si des lois cadres imposent l'ultra libéralisme au monde entier, ça aura des conséquences énormes sur le très long terme. Ca plongerait le monde dans une sorte d'égoïsme ou les riches n'auraient que ce qu'ils méritent, les pauvres aussi, la fracture sociale deviendrait un abîme, le tiers monde n'aurait plus aucune (mais alors aucune aucune) chance de s'en sortir (ce n'est pas qu'aujourd'hui ils en ont beaucoup, c'est qu'alors ils en auraient encore moins), l'éducation deviendrait réservée aux riches... Le monde ressemblerait aux USA en pire. Bref, si l'OMC réussit, on est mal et pour un bout de temps. Là où ça devient encore plus gênant, c'est qu'un gouvernement sournois (ça existe ça ?) pourrait en douce saboter le système public pour pouvoir ensuite mieux le privatiser. Genre supprimer la moitié des postes à la SNCF. Ou diminuer les crédits dans l'enseignement, supprimer des postes d'assistant, histoire que le service ne puisse plus être assuré convenablement. Si le service publique se dégrade, les gens soucieux de la réussite de leur progéniture se tourneront vers le privé. Resteront dans le public les défavorisés, ceux qui malheureusement ont le plus fort taux d'échec scolaire. Il sera alors temps pour le gouvernement de braquer un doigt accusateur sur le public en disant : ``Vous voyez ? Le public ne marche pas alors que le privé excelle. Privatisons tout, le monde se portera mieux''. Trop facile pour eux...
Les revendications des alters sont-elles réalistes ?
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Il y a dix ans, j'aurais dit non. Et maintenant, je recommence à y croire. De plus en plus de gens commencent à refuser la dictature de l'argent. Bien sûr, il y a les alter mondialistes. Ils ont maintenant plusieurs victoires à leur actif, en particulier, ils ont réussi à faire comprendre qu'ils n'étaient pas des "anti mondialisations" (comment le pourraient-ils ? Ils sont les premiers à échanger entre les différents pays, regarder les systèmes sociaux et politiques qui marchent ici pour les appliquer là...) mais des alter mondialistes, c'est-à-dire qu'ils se battent pour une autre mondialisation. Ils ont également fait capoter le sommet de l'OMC à Cancùn. Et surtout, ils savent manier les outils et les nouvelles technologies, genre internet. Quand un pauvre gars est en train de descendre en rappel d'un pont (15 mètres de haut) et qu'un CRS Suisse coupe la corde, 10 minutes après, le monde entier peut voir les images vidéos... Impossible pour la police Suisse de donner "sa version" des faits, les images sont là !
[1] Mais les alter mondialistes ne sont pas seuls. D'autre refusent l'ultra libéralisme. Par exemple, des universitaires (et pas des petits, plutôt des gens balaises genre le directeur général du CNRS) viennent de publier une longue déclaration (déclaration de Berlin, consultable ici en Français et ici en Anglais) commune sur la recherche scientifique qui doit continuer (ou plutôt recommencer) à être gratuite. Autre exemple, un très grand nombre d'informaticiens participent à la construction de logiciels gratuits (et de très grande qualité, nettement plus fiable que Win machin), genre le système GNU-Linux. Ils les mettent à disposition de tous, téléchargeables via Internet et travaillent ensemble à leur amélioration. D'autres refusent la société de consommation et les matraquages publicitaires. Ils s'attaquent à la pub, la dénature, la falsifie. Bref, même si tous ces gens ont des motivations différentes, ils apportent chacun leur petite pierre à l'édifice et au bout du compte, la motivation générale est la même : nous disons tous non à l'ultra libéralisme, non à la dictature de l'argent.
Et puis tout est possible
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Bien sûr, il y a beaucoup de scepticisme et pas mal de monde rejoindrait le mouvement "s'il avait une chance d'aboutir". On entend souvent que "ça sert à rien tout ça". Aussi, autorisez moi un petit voyage dans le temps, voulez-vous ? Pas très long, retournons juste en 1754, il y a à peine 250 ans. A cette époque, ça fait une demie éternité que le système féodal est en place, les nobles, les riches et le clergé tiennent fermement le pouvoir. Allez en France profonde expliquer à un paysan (ou un bourgeois, c'est pareil) que tout ça va voler en éclat, qu'on va faire table rase, qu'on va couper des têtes au sang bleu et qu'on va instaurer une démocratie. Il va vous regarder et vous prendre pour un fou. Heureusement, il y a 250 ans, des gens y ont cru. Et ils ont fait bouger ce qui semblait immuable. Alors pourquoi l'histoire s'arrêterait-elle aujourd'hui ? Quelle sera notre situation dans 20 ans ? Dans 50 ans ? Vous allez me dire que le contexte à changé. Aujourd'hui, la mondialisation interdirait un changement local. Je réponds : faux. A l'époque, c'était la même chose ! A peine la révolution Française commencée, tous nos voisins nous ont déclaré la guerre et ont monté une armée internationale pour venir rétablir la royauté en France (forcément, ils avaient la trouille que la révolution fasse des petits chez eux. Ils avaient bien raison de se méfier d'ailleurs). Et bien ils se sont TOUS fait proprement DOSER ! Comprenez bien : sur le plan intérieur, la France vivait une crise sans précédent.
Sur le plan extérieur, une armée de volontaires à peine formé affrontaient une coalition royaliste ; et bien ils ont gagné. Incroyable, non ? Retour au présent : nous ne voulons pas d'une révolution, nous refusons juste l'ultra libéralisme sauvage. Il ne faudrait pas grand chose pour obtenir une situation raisonnable : une régulation du commerce international prenant en compte les intérêts sociaux et le développement durable, un peu de protectionnisme pour les pays les plus fauchés, une meilleure répartition des richesses nord sud (genre annulation d'une dette qui écrase le sud mais qui est vraiment insignifiante pour le nord), la nationalisation (ou plutôt l'Européanisation : à quand la S.E.C.F., Société Européenne des Chemins de Fer) et modernisation des services couvrant les besoins fondamentaux de l'homme... Ca semble tout de même plus facile à obtenir que le changement de régime gagné par nos arrières arrières ... grands-pères, non ?
[1] Au passage, j'en profite pour rendre hommage à nos bon vieux CRS français. A côté des Suisses, ce sont de parfaits gentlemen. Faut dire qu'en France, avec nos manifs annuelles, on leur fournit régulièrement de l'occupation. Ils ont donc un bon entraînement et ne pètent pas les plomb pour un oui ou un non. Au passage, pensez bien, si un jour vous allez vous faire taper ailleurs que chez nous, à vous renseigner sur les coutumes locales : les Français utilisent des gaz lacrymaux alors que les Allemands chargent à la matraque. Les Anglais sont sur des chevaux pour bien dominer la situation. Les Suisses et les Italiens sont très vite débordés et paniquent complètement. Du coup, ils font des gaffes ; rien de plus dangereux qu'un CRS qui panique. Aux USA, ils se débrouillent en général pour être deux fois plus nombreux que les manifestants... Ca leur donne un assez bon contrôle de la situation, mais comme ils se prennent tous pour les cow boys, ça reste dangereux.